Traversée

#072 – La pelle du large !

  • 24 au 29 octobre 2023, La Linea de la Concepción – Espagne, puis océan Atlantique et île de la Graciosa – Lanzarote, îles Canaries.

Mardi 24 octobre, 8ème nuit à la Marina Alcaidesa, calme.

Le coup de vent est définitivement passé, il fait grand soleil dès le matin.

Après avoir tergiversé toute la nuit, nous décidons de partir pour les Canaries aujourd’hui, sinon l’attente d’une prochaine fenêtre météo risque de prendre du temps.

Plusieurs bateaux font de même, dont NIRVANA, rencontré la veille.

Nous faisons les derniers préparatifs et quittons le port à 11h15, direction les Canaries !

Première étape, sortir du détroit de Gibraltar, ce qui ne sera pas une mince affaire !

La sortie de la baie était la partie facile, malgré le nombre important de bateau et surtout de leurs dimensions impressionnantes.

On se sent minuscule (et on l’est) à côté de ce genre de monstre.

Combien de containers transporte-t-il ? On s’imagine leurs contenus, et tout est permis !

Arrivé dans le détroit, nous longeons la côte espagnole, direction plein ouest.

Au centre du détroit se trouve les rails de navigation, destinés aux gros bateaux, afin de réglementer le trafic.

C’est comme sur la route, la « conduite » se fait à droite.

Nous devrons traverser ces voies de navigation tôt ou tard, attendons plutôt la sortie du détroit pour le faire, où il devient plus large.

Les cargos, tankers et porte-containers s’y succèdent presque à la suite et avancent 3 fois plus vite que nous, autant vous dire qu’il ne faut pas trainer pour traverser, car c’est eux qui ont la priorité.

Même si ce n’était pas le cas, il serait judicieux de les laisser passer, ces monstres d’acier ne feraient qu’une bouchée de nos petits bateaux en plastique.

D’autres voiliers, eux, choisissent tout de même de traverser le rail plus rapidement et de longer les côtes marocaines. C’est ce que feront nos amis de NIRVANA.

Pour plus de confort et de sécurité, nous préférons passer le détroit au moteur.

Bien que nous ayons les 2 moteurs en marche, nous avançons très lentement !

En temps normale, avec les deux moteurs en régime moyen, nous avançons à 6 ou 7 nœuds, mais ce n’est de loin pas le cas ici.

Nous faisons face à un courant contraire de plus de 5 nœuds, réduisant notre vitesse à 1,5 nœuds (même pas 3 km/h 😱), on serait plus vite à pied 😴!

Les milles et le paysage ne défile pas, par contre nous voyons le temps s’écouler et la distance ne diminue que très peu.

En fin de d’après-midi, nous atteignons enfin Tarifa, la pointe sud du continent européen !

La mer, ou plutôt l’océan, bouillonne ici, on voit que les courants s’y rencontrent et qu’il se passe quelque chose.

Cette fois nous pouvons dire que nous avons définitivement quitter la Méditerranée, l’océan Atlantique s’offre à nous.

Nous continuons d’avancer un peu plus, laissant passer 3 cargos sortant du détroit, avant de foncer pour traverser le rail sortant, en rejoignant d’abord le centre où se trouve la zone de séparation des voies.

Nous laissons ensuite passer 2 autres cargos empruntant le rail entrant dans le détroit et finissons de traverser ce rail quelque peu stressant.

Cette sensation doit se rapprocher de celle de traverser une autoroute à pied… même si nous ne l’avons jamais fait…

Alors que le soleil commence à décliner vers l’horizon, nous voyons NIRVANA au loin, filer vers le large.

Il est l’heure de manger, la journée touche gentiment à sa fin.. et il fait faim !

Nous avançons vers le large alors que la nuit commence à tomber mais l’état de la mer nous dissuade de persévérer sur cette trajectoire.

Nous subissons une houle croisée, faisant taper les vagues sous le bateau et nous font valser de tous les côtés. On pourrait croire qu’on nous met des coups de pelle sous la nacelle à chaque passage de vague !

Nous choisissons donc de nous rapprocher des côtes marocaines et de les longer.

L’état de la mer n’est pas meilleur, mais le fait de longer les côtes est plutôt rassurant.

Entre-temps le vent a forci un peu, amplifiant l’effet des vagues. Bobby – le pilote automatique – a un peu de mal avec la mer formée, je reprends les commandes pour tenter d’atténuer les effets désagréables (et les coups de pelles ! )  et préserver mon équipage, nous avons encore 4 jours de navigation avant d’atteindre les îles Canaries.

Il fait maintenant nuit noire et la mer nous met à l’épreuve.

La houle soulève PTIPOA et le fait retomber dans la vague suivante, projetant des embruns jusqu’au poste de barre, où votre narrateur se trouve !

Aurélia, qui me rejoindra un moment, y aura aussi droit !

A force de se prendre des gouttes, je sens le sel se cristalliser sur mon visage.. on dira que c’est bon pour la peau !


Mercredi 25 octobre, 1ère nuit dans l’océan Atlantique. La nuit n’a pas été de tout repos, je suis resté longtemps à la barre, au frais, content que mon équipage soit bien au chaud à l’intérieur.

Aurélia viendra me remplacer à 3h30, me laissant un peu de repos.

Après un petit brin de toilette pour enlever un peu le sel de mon visage, je m’allongerai dans le canapé du carré pour un petit somme… de courte durée. Aurélia me réveillera à 4h30, un peu paniquée.

Nous traversons une zone où grouillent d’innombrable bateaux de pêcheurs, sans AIS, donc invisible sur nos instruments.

Ils vont un peu dans tous les sens, c’est un peu chaotique !

Dans la nuit noire ce n’est pas toujours évident de savoir où ils vont et à quelle vitesse, sans compter que certains zigzaguent et d’autres tournent en rond.

Leurs feux de navigations nous indiquent de quel côté ils se déplacent, mais sans plus ! Il faut rester bien attentif !

Une fois cela passé, nous nous éloignons un peu plus vers le large, histoire d’éviter d’être à nouveau au milieu des pêcheurs. Nous étions tout de même à bonne distance des côtes, mais apparemment pas assez.

Je retournerai ensuite me coucher un peu, laissant mon épouse à la barre.

Durant la matinée, les filles donnent des signes de faiblesse… Aurélia et Louna ont un peu le mal de mer… Louna vomira 2x et Aurélia se verra obliger à prendre un médicament. 

Louna ira mieux dans l’après-midi, sans devoir en prendre un. Aurélia, de son côté, n’a plus le mal de mer…  car le médicament la fait dormir ! C’est bien noté sur la boîte qu’ils peuvent provoquer une somnolence, mais là ça ressemble plus à un assommoir ! Aurélia dormira pratiquement tout le reste de la journée.

L’océan est devenu un peu plus clément et la navigation se déroulent plus calmement. Le vent n’est pas très favorable et surtout trop faible, ce qui nous oblige à avoir les moteurs.

Les enfants, de leur côté, s’occupent bien. Comme à leur habitude durant les navigations, ils jouent beaucoup au Lego !

C’est chouette de les voir aussi complice, à se faire des constructions et à s’inventer des histoires à la « on disait que… ».

Ils se sont fait une famille en Lego, avec à chacun un mari ou une femme, enfants et même chien ! A croire qu’ils se rendent à peine compte que nous sommes en navigation.

En fin d’après-midi, Ayden me rejoindra au poste de barre pour une partie d’échec, à la lueur du soleil couchant et la douceur d’une bière bien fraiche (pour moi, pas pour lui 😎 ! )

Nous avons eu la chance d’entrevoir la « Belle au bois dormant » furtivement, avant qu’elle ne se fasse à nouveau happé par Morphée.

Décidément, c’est à se demander si les effets secondaires ne sont pas pires que le mal combattu.

Avoir le mal de mer ou dormir, il faut choisir !

Ça laisse à réfléchir sur les prochaines utilisations de cet anti-mal de mer.


Côté navigation, la nuit s’annonce beaucoup plus tranquille que la précédente, et c’est très bien comme ça.


Jeudi 26 octobre, 2ème nuit dans l’océan Atlantique.

Nous avançons doucement, à la voile et au moteur, l’océan est calme, la navigation agréable.

Seul le ronronnement du moteur vient perturber ce moment.

Aurélia viendra me remplacer de 2h à 6h du matin. J’en profiterai pour somnoler dans le canapé du carré jusqu’à mon quart suivant, de 6h à 10h.

Lorsqu’Aurélia viendra me remplacer à 10h, je filerai à la douche et au lit, j’en ai bien besoin.

Les enfants feront également leur part de boulot. Ils prendront leur quart de 10h45 à 12h. L’après-midi, ils continueront à jouer aux Lego, et ce, jusqu’au poste de barre.

L’océan est calme et le vent presque inexistant, mais nous avançons tout de même vers le sud…

merci les moteurs !

La nuit tombe maintenant de plus en plus tôt.

A 20h, il fait déjà pratiquement nuit noire. La lune ne se lève que peu de temps après, éclairant l’océan tel un lampadaire.

Durant la soirée, vers 22h, des nuages et une perturbation apparaissent au loin, il y semble pleuvoir.

Le vent forci un peu, permettant d’avancer à bonne allure et d’éteindre enfin les moteurs. C’est agréable d’avancer à la voile !

Je réduis un peu la voile pour anticiper d’éventuelles rafales lorsque nous atteindrons la perturbation.

Vers 23h, alors que nous croisons la route de cette perturbation, la mer s’agite et une pluie diluvienne s’abat sur nous. La pluie durera 45 minutes.

C’est tout dégoulinant que j’appellerai Aurélia à minuit pour qu’elle vienne me remplacer.

Il faut absolument que je puisse me sécher ainsi que mes affaires, et cela avant d’avoir froid.

Lors d’un quart de nuit, le froid est le pire des supplices, car une fois que le corps est envahi par le froid, il est difficile et surtout très long pour parvenir à le réchauffer. Il faut donc agir avant que cela se produise.


Vendredi 27 octobre, 3ème nuit dans l’océan Atlantique.

Aurélia est aux commandes depuis minuit.

De mon côté, je me suis séché et reste quelques heures à somnoler sur le canapé du carré, jusqu’à 4h, ou je reprendrai le quart suivant, jusqu’à 8h.

Aurélia me rejoint à l’aube et nous profitons ensemble du spectacle de la nature. Le lever de soleil est toujours aussi plaisant à voir et à chaque fois différent. Aujourd’hui nous avons droit à un ciel nuageux, enflammé par l’aube naissante. Les photos, bien qu’elles soient belles, ne rendent pas les couleurs réelles de cette vision magnifique.

Je filerai ensuite au lit pour quelques heures.

La navigation est des plus tranquille ; L’océan est calme, avec très peu de vent. Le seul perturbateur est, encore une fois, le moteur. Mais c’est le prix à payer pour avancer.  La journée se déroule tranquillement.

Aurélia nous concoctera un bon repas de midi avec poulet et patates grillés accompagnés de petits pois – carottes.

En fin d’après-midi, alors que je m’autorise une petite sieste avant la nuit, Aurélia et les enfants reçoivent la visite d’un groupe de dauphins composées d’une vingtaine d’individus, principalement des mères et leurs petits.

Une mère et son bébé, probablement très jeune au vue de sa taille, restent à bonne distance du bateau.

Le petit fait des sauts incroyables hors de l’eau, alors que les autres jouent devant les étraves du bateau. Je n’étais malheureusement pas là pour y assister, Morphée s’occupait de mon cas à ce moment-là. Dommage, ce sera pour une prochaine fois !

Je prends mon quart avant que le jour ne décline à nouveau, laissant ainsi sa place à la nuit noire, suivi du lever de lune, qui illumine l’océan.

Louna nous aura laisser un petit mot d’encouragement accroché à la table à carte…

Merci Poulette !

La mer s’agite à nouveau quelque peu, mais cette fois-ci nous avons droit à une grosse et longue houle venant sur notre arrière tribord.

Les creux doivent faire dans les 3 à 4 mètres mais ce n’est pas désagréable.


Samedi 28 octobre, 4ème nuit dans l’océan Atlantique.

La houle nous accompagnera toute la nuit. C’est parfois impressionnant de voir ce mur d’eau se rapprocher sur notre côté !

La vague arrive, soulève PTIPOA avec délicatesse, le fait glisser dans son creux, avant de se faire à nouveau soulever par la vague suivante.

Tout cela se fait sans à-coup, dans une douceur subtile, rendant ce manège agréable.

Aurélia viendra me remplacer de 3h à 6h, puis à nouveau à 9h.

Durant la matinée, la houle se calmera et nous offrira une mer plate.

Aurélia tentera de faire une sieste l’après-midi mais sera insupportée par le bruit du moteur, qui n’a pratiquement pas cessé de tourner depuis notre départ de Gibraltar.

L’après-midi se déroulera tranquillement. Il fait beau, la mer est belle, rien à signaler.

Je commencerai (enfin) le livre que j’avais reçu de Schaubi, « l’Erebus » (Merci copain 😘), que je dévorerai, confortablement installé au poste de barre.

En fin d’après-midi, nous aurons la visite d’un groupe de dauphin, qui ne restera que quelques minutes avant de disparaitre dans les profondeurs de l’océan.

Après un bon souper composé de tartine de saumon sur de la cuchaule (brioche traditionnelle de Fribourg) faite maison, Aurélia part se coucher tôt, alors que je prends mon quart de nuit, il est 21h.


Dimanche 29 octobre, 5ème nuit dans l’océan Atlantique.

La nuit est belle et calme et je la passerai entièrement à la barre, laissant mon épouse dormir toute la nuit, elle en avait besoin.

Elle viendra me relever à 6h30, juste avant le lever du soleil.

Pour ma part, je filerai à la douche et au lit, que je quitterai à nouveau à 13h.

Pile poil pour le repas !

Lanzarote est à vue depuis 10h du matin, nous approchons enfin du but !

Nous étudions où nous arrêter pour être abrité.

Nous voyons nos amis de NIRVANA à l’AIS, ils sont mouillés à la Graciosa. Nous les contactons pour avoir plus d’infos, qui nous déciderons de nous rendre à cet endroit, et ce fût le bon choix !

En mettant le cap sur la Graciosa, nous sommes accueillis par une horde de dauphins qui virevoltent quelques instants autour du bateau avant de repartir, aussi vite qu’ils sont venus.

Nous empruntons le passage entre l’île de Lanzarote et celle de la Graciosa, émerveillé par ce nouveau paysage qui s’offre à nous.

Nous jetterons l’ancre à 16h45, au mouillage Playa Francesca, sur l’île de la Graciosa, à deux jet d’ancre de nos amis de NIRVANA.

Nous voilà enfin aux Îles Canaries !

La vue depuis le bateau est juste surréaliste !

La Montaña Amarilla (montagne jaune en espagnole) se dresse devant nous, le spectacle est grandiose et surtout dépaysant ! Nous voilà bien loin du continent.

Le soleil se couche gentiment, et les estomacs, comme à leurs habitudes, crient famine !

Louna, avec un peu d’aide, concoctera des wraps, pendant qu’Aurélia et Ayden sont à la douche

La suite s’annonce intéressante ! Ce paysage volcanique, quasi lunaire, invite à l’exploration.

Vivement demain que nous y mettions les pieds…

6 Comments

  • Mams

    Salut à vous 4
    Magnifique le récit et toutes ces belles photos
    Je vous admire mais franchement je ne pourrais pas faire un voyage comme ça
    Gros bisous à vous
    On pense et parle souvent de vous à nos autres petits-enfants

    • Elo

      Aussi accrocheur qu’une bonne série sur netflix ! J’attend avec impatience le prochain épisode de vos aventures (j’étais à fond là dans la lecture et bim cliffhanger !!!!).
      Gros bisous à tous les 4, continuez à profiter de cette belle aventure !

      Élodie

      Ps : Nathan et Timéo vous font de gros bisous aussi !

      • Jo

        Que d’éloge, ça fait plaisir ! Content que ça plaise.
        La suite viendra bientot… j’espère ! c’est là que tu te dis: ah le con, encore du suspens ! 🙂
        Bisous à tout le monde et à bientôt !

  • Jo

    Sitôt écrit, sitôt lu :-), en voilà une lectrice assidue !

    C’est sur que ce genre de voyage n’est pas fait pour tout le monde, mais ça en vaut la chandelle !
    Gros bisous à vous aussi !
    Bizzzzzzz

  • Fiiils

    Superbe!
    Enfin l’Ocean! Ça c’est le grand large!
    Ça a l’air tellement beau ces moments en pleine mer.. j’imagine qu’on oublie vite les petites galères pour en arriver là.
    Par ici, on est plutôt passé en mode La Pelle à neige!
    Je vous enverrai quelques photos!
    Et courage, plus qu’un mois de retard! 😀
    Profitez bien,
    Gros becs de nous 4!

    • Jo

      Merci fiiiiils pour ton commentaire ! Les moments en pleine mer ne sont pas les plus beaux, on préfère visiter 🙂 mais c’est sympa tout de même, quand la mer est clémente.
      Content de ne pas devoir jouer de la pelle à neige ici 🙂
      Merci pour les photos de ta jolie petite famille ! C’est fou comme ça pousse vite !
      Prenez soin de vous et à bientôt !

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